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Libération

Guam, l'île aux fantômes japonais

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Sur cette terre américaine, des familles nippones recherchent leurs proches disparus en 1941-1945.
publié le 2 septembre 2004 à 1h58

Guam (Etats-Unis), envoyée spéciale.

Dans la terre humide, Teruo a planté sa canne. Il est resté longtemps désemparé, tremblant au rythme de la brise qui froissait le fil de la rivière, puis d'une main il a couvert son visage pour endiguer le flot des larmes et celui des souvenirs.

Comme des milliers de Japonais avant lui, Teruo est venu sur ce territoire américain de Guam à la recherche d'un fantôme. Celui de son frère disparu dans le chaos de la Seconde Guerre mondiale. Le 8 décembre 1941, les bombardiers japonais attaquent Guam. De l'autre côté de la ligne internationale de changement de date, on est encore le 7 décembre et Pearl Harbour est en flammes. Dans les eaux du Pacifique, les Japonais envahissent des dizaines d'îles et se taillent un empire qui, disent-ils, va durer mille ans. Guam en est une parcelle qu'ils seront contraints d'abandonner aux Américains trente et un mois plus tard. «J'ai accepté l'idée que je ne reverrai plus mon frère. Mais vous savez pendant quarante ans, j'ai cru qu'il était possible qu'il ait survécu et qu'il revienne lui aussi. Avec toutes ces histoires...» Des histoires pour que l'espoir demeure, comme celle du sergent de l'armée impériale Shoichi Yokoi qui, vingt-sept ans après la fin de la guerre, s'en est revenu au Japon avec son fusil et sa honte. «Je suis désolé de ne pas avoir servi Sa Majesté comme je l'aurais souhaité.»

Lune. Près des chutes de Talofofo où pleure Teruo, un musée décline les mésaventures de cet apprenti tailleur qui ava