«Un génocide a eu lieu et pourrait encore se poursuivre au Darfour.» Le secrétaire d'Etat américain Colin Powell n'y est pas allé par quatre chemins, hier devant la Commission des affaires étrangères du Sénat. Campagne électorale oblige, il a abondé dans le sens du Congrès américain, qui avait adopté en juillet, poussé par les groupes de pression afro-américains et chrétiens, une résolution qualifiant la crise du Darfour de «génocide». Cette déclaration fracassante intervient alors que Washington a déposé un nouveau projet de résolution à l'ONU sur la crise au Darfour, qui pourrait impliquer des sanctions pétrolières contre le Soudan. Nul doute que la prise de position de Powell va durcir les débats au Conseil de sécurité, où plusieurs pays ont déjà fait savoir leur hostilité à des sanctions. La France, parce qu'elle les juge improductives et veut laisser du temps à Khartoum, mais aussi la Chine et le Pakistan, qui achètent une partie des 320 000 barils quotidiens de pétrole soudanais.
Powell s'est appuyé sur une enquête menée par ses services dans 19 camps de réfugiés dans l'est du Tchad, en juillet et août, auprès de 1 136 personnes. L'étude conclut à une «pratique constante et étendue d'atrocités contre les villageois non-arabes [africains, ndlr] du Darfour» : 61 % des personnes interrogées disent avoir été témoins du meurtre d'un membre de leur famille ; 16 % disent avoir été violées ou connaître des victimes de viols ; un tiers disent avoir entendu des propos à caractère