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Libération
Interview

Gilles Kepel «Al-Qaeda se pose en vengeur face à Sharon»

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Moyen-orient. Gilles Kepel, professeur à Sciences-Po et spécialiste du monde arabo-musulman:
publié le 9 octobre 2004 à 2h32

Gilles Kepel, professeur à Sciences-Po Paris est notamment l'auteur de Fitna, guerre au coeur de l'islam (Gallimard), panorama d'un monde arabo-musulman en crise.

Que révèle cet attentat à propos de la stratégie d'Al-Qaeda ?

Quels qu'en soient les auteurs, cet attentat marque une étape importante dans la stratégie de l'islam radical jihadiste. Depuis la fin des années 90, on n'avait plus vu d'attentat majeur en Egypte. A tel point qu'Ayman al-Zawahiri avait théorisé dans son ouvrage Cavaliers sous la bannière du Prophète le choix de la lutte contre l'ennemi lointain ­ les Etats-Unis ­, car l'ennemi proche semblait trop fort et difficile à atteindre. Cet attentat a, de plus, une forte dimension symbolique. D'abord, il a lieu au coeur de la zone de sécurité qu'est le Sinaï, véritable réserve à touristes préservée jusqu'ici de tout attentat, à l'exception d'une attaque dans les années 80. Deuxièmement, Taba est le symbole des négociations entre Israël et l'Egypte. Enfin, l'attentat intervient à la veille du deuxième débat présidentiel aux Etats-Unis : les extrémistes montrent qu'ils sont capables de mettre le jihad au coeur du débat médiatique, même s'ils ne sont pas parvenus à mobiliser les sociétés civiles.

C'est la première fois qu'Al-Qaeda vise directement Israël...

Avant le 11 septembre, Ben Laden ne montrait pas beaucoup d'intérêt pour les Palestiniens. C'est Zawahiri qui a fait le lien entre le jihad en général et le jihad contre Israël. Dans son intervention télévisée du 7 octobre 2001, Ben Laden parle pour la première fois, du fond de sa grotte, des enfants palestiniens massacrés par l'armée