Kiev envoyée spéciale
La frontière se situe quelque part aux abords du stade Dynamo. En bas, à partir de la maison de l'Ukraine conquise mardi par les partisans du réformateur Victor Iouchtchenko qui en ont fait leur quartier général se trouvent les foules drapées d'orange, la couleur fétiche de l'opposition. En haut, dans le parc qui fait face à l'immeuble du gouvernement, un édifice de style stalinien, dominent les drapeaux bleu et blanc des partisans de Victor Ianoukovitch, le candidat du pouvoir proclamé vainqueur de la présidentielle malgré les soupçons de fraude. Au milieu, près du Dynamo, donc, c'est la zone grise où les deux blocs cohabitent, se rencontrent, s'interpellent ou tentent de se convaincre, sans méchanceté.
Nadiejda, une retraitée russe, ne cherche pas à échapper à ses interlocutrices qui arborent leurs rubans orange. Elle dit obstinément : «Moi, je suis pour Ianoukovitch.» Elle en veut à Iouchtchenko : «Quand il était Premier ministre, il a réduit les retraites des anciens officiers de l'armée soviétique. Comme si ces quarante-cinq ans de service comptaient pour du beurre.» Le couple, lui originaire d'Irkoutsk, elle de Vladivostok, dans l'Extrême-Orient russe, a échoué à Kiev en 1965 après des tribulations dans toute l'ex-URSS et n'en finit plus de pleurer le pays perdu. «Nous avons été obligés de prendre le passeport ukrainien. Moi, je ne parle même pas ukrainien», lâche-t-elle. Les promesses de Ianoukovitch de resserrer les liens avec Moscou et de permett