Beyrouth envoyé spécial
Al'heure de la prière du couchant, les flammes de centaines de bougies montent dans la nuit à la rencontre de la voix du muezzin. Disposées en rangs serrés tout autour du tombeau de Rafic Hariri, place des Martyrs à Beyrouth, elles disent le deuil et le malheur à la manière des chrétiens. On les retrouve devant les tombes de sept gardes du corps de l'ancien Premier ministre, tués aussi dans l'attentat, alignées à quelques mètres de là. Les gros cierges rouges portent même l'effigie du Christ, de la Vierge ou des saints libanais. Et c'est tout un symbole, dans un pays où les religions se sont déchirées pendant une longue guerre, que de faire veiller un homme d'Etat musulman par ces lumières chrétiennes.
Chagrin et colère. La foule est dense. Chacun attend son tour de s'approcher de la tombe couverte de fleurs, pour les uns, pour réciter la fatiha (1) et pour les autres, pour faire le signe de croix. «C'est sans précédent dans l'histoire du Liban. C'est la première fois que chrétiens et musulmans se rassemblent ainsi pour l'assassinat d'un homme politique. Avant, chaque communauté enterrait les siens», commente Ali, frère du ministre druze Marouan Hamadé, grièvement blessé le 1er octobre dans un attentat à la voiture piégée également imputé à Damas. Beaucoup ne font pas que prier : ils écrivent quelques mots de chagrin ou de colère et signent une toile, longue d'une centaine de mètres, étalée sur le sol à côté du tombeau. On peut lire : «Syriens, tueurs.