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Libération

Bureau des pleurs et des coups à Pékin

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Les victimes d'injustices tentent de venir se plaindre, mais tout est fait pour les dissuader.
publié le 5 mars 2005 à 0h50

Pékin de notre correspondant

C'est un rituel aussi ancien que l'empire. De tous les coins de l'immensité chinoise, les simples citoyens qui s'estiment victimes d'injustices se rendent dans la capitale dans l'espoir d'attirer l'attention des puissants sur ce qui se déroule à la base, «loin du ciel»... Le moment privilégié de cette complainte est la session annuelle de l'Assemblée nationale populaire (ANP), qui s'ouvre samedi au palais du Peuple, place Tiananmen. Le bureau de l'ANP chargé de recevoir les plaintes est situé dans la banlieue sud de Pékin, loin des regards. Ici se déverse toute la détresse des exclus du miracle chinois, paysans, ouvriers ou petit peuple des villes, victimes de l'arbitraire, de la corruption d'une bonne partie de l'appareil, et d'un système qui n'autorise aucun recours si on est ni riche ni puissant. Le nombre de plaintes augmente sans cesse : 10 millions pour la seule année 2003, selon un chercheur chinois.

Oreille complaisante. La venue d'un journaliste étranger provoque un attroupement. Des dizaines de personnes arrivent, certains s'accrochent à vos vêtements, vous glissent une pétition dans la poche ou vous supplient de les écouter. Ils savent qu'un étranger ne pourra rien pour eux, mais le seul fait de trouver une oreille complaisante leur apparaît miraculeux. Il y a ce paysan du Shaanxi dont les terres ont été confisquées pour laisser passer le gazoduc Ouest-Est jusqu'à Shanghai : les cadres locaux ont détourné l'argent des compensations et il