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Libération

«J'ai les cris des gamines dans la tête»

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publié le 15 mars 2005 à 0h59

Djibouti envoyée spéciale

Mariam Omar montre ses mains. Elles sont puissantes, carrées, rougies de henné. Elles froissent un sachet, rempli de cristaux de résine jaunâtre. «Tu piles, et tu mélanges avec du sucre. Ça colle, ça remplace les épines d'acacia pour coudre la fille. Tu dois la maintenir fermement par terre, pour qu'elle arrête de gigoter, et tchak ! avec la lame de rasoir tu coupes tout ce qui dépasse. Et puis tu mets la poudre, pour arrêter le saignement. Tu lui ligotes les jambes pendant une semaine, pour que ça colle bien, et c'est bon.»

Prestige. Des dizaines d'années durant, plusieurs fois par jour, Mariam a ainsi «coupé» les petites filles que les mères lui amenaient. Accoucheuse traditionnelle à Djibouti, elle a appris à exciser dans la brousse, en regardant faire les autres femmes. A 4000 francs djiboutiens l'opération (17 euros), elle avait un revenu meilleur que la moyenne nationale. Et du prestige. «On nous a tellement dit que cela faisait de nous une femme, que c'était un moment important, que j'ai supplié ma mère de me faire exciser», se désole Habone, 21 ans. Dans toute la corne de l'Afrique, jusqu'en Egypte ou au Mali, une écrasante majorité des femmes sont excisées. Pratiquée aussi bien par les musulmans, les chrétiens ou les animistes, l'excision remonte aux temps pharaoniques. A Djibouti, ces mutilations touchent 98 % des fillettes.

Mohammed Mahamouda est conseiller pédagogique. Il est encore horrifié par le souvenir de ses soeurs gisant ensanglantée