Berchtesgaden envoyée spéciale
Enfoncé dans un canapé, le banquier contemple la montagne, le souffle coupé. Son épouse lui a «offert ce week-end de rêve à l'Intercontinental pour [son] anniversaire», et il veut juste «jouir de la vue et des commodités du nouvel hôtel». Le fait que le cinq étoiles soit planté sur l'Obersalzberg, la montagne où Hitler avait fait construire sa résidence d'été, et d'où il a pris une bonne partie de ses décisions les plus ignominieuses, ne le gêne pas du tout. «Ces montagnes n'y peuvent rien si Hitler les regardaient depuis les fenêtres de son Berghof (nom donné à sa maison, ndlr)», s'agace le banquier, qui préfère garder l'anonymat. Bien sûr qu'il pense à Hitler en regardant par cette baie vitrée, que les détracteurs de l'hôtel jugent fort ressemblante à celle du Berghof : «Mais cela ne veut pas dire que nous nous sentons proches de lui !»
Etait-il pour autant nécessaire d'aplanir la «colline Göring» ainsi appelée parce que le maréchal nazi Hermann Göring y avait sa villégiature pour en faire une réserve pour millionnaires ? Soixante ans après le bombardement de Berchtesgaden (25 avril 1945), la commune dont dépend le sanctuaire nazi, et soixante ans après le suicide de Hitler à Berlin (le 30 avril 1945), le regain d'intérêt pour l'Obersalzberg témoigne d'un changement dans la façon d'appréhender les hauts lieux du nazisme. Goût prononcé pour les frissons malsains ? Développement d'un «tourisme des bourreaux» qui viendrait se superposer aux vi