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Interview

Ralentir le processus de démocratisation: l'arme ultime des islamistes

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Emmanuel Sivan, professeur d'histoire islamique à Jérusalem, met un bémol à la peur suscitée par la surpuissance islamiste. Pour lui, les extrémistes musulmans sont beaucoup plus fragiles qu'ils ne le laissent croire. Leur vrai Satan est la démocratie car ils savent qu'elle sera leur perte.
publié le 14 mai 2005 à 2h10

Vous ne croyez pas au «choc des civilisations» de Huntington (1). Mais plutôt à un choc au coeur même de l'islam ? Huntington se trompe de bonne foi : il envisage de manière trop littérale la rhétorique du mouvement islamiste. Certes, ce mouvement parle depuis de nombreuses années de «guerre contre l'Occident», car sa crainte est une domination de l'Occident sur les pays d'islam. Avec la complicité des musulmans eux-mêmes...

Ceux que les islamistes nomment les «intoxiqués de l'Occident»...

Parce qu'ils pensent que l'Etat moderne musulman, bon gré mal gré, impose cette civilisation, ces islamistes veulent s'emparer du pouvoir. Autour des années 90, ils ont compris que leurs tentatives violentes s'étaient soldées par des défaites cruelles. Leur seule victoire, c'est l'Iran, et, dans une moindre mesure et pour un temps limité, en Afghanistan et au Soudan. Ils ont donc essayé de procéder par le bas. Par la daoua, l'édification des masses.

Or, souvent, le pouvoir empêche cette daoua et, pis, elle ne progresse pas aussi vite que les techniques modernes (communications, Internet, télévisions satellitaires depuis l'Occident) qui influencent en premier lieu leur public de cible, les femmes et les enfants. Donc, il faudrait trouver un autre moyen, peut-être violent : d'où l'idée d'ouvrir un second front. Mais l'objectif premier demeure : renverser ces régimes.

N'est-ce pas plutôt le recours au jihad, à la «lutte contre les Croisés» ?

Le jihad, dans l'acception musulmane, ne se mène que contre l'ennemi le plus proche. Cela dit, à cause de l'invasion soviétique en Afghanistan, est né un mouvement spontané de solidarité afin de