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Libération
Interview

Bakhadyr Moussaïev : «La misère nourrit l'extrémisme»

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Ouzbékistan. Bakhadyr Moussaïev, sociologue, témoigne depuis Tachkent:
par Lorraine Millot et Lisa ALISSOVA
publié le 18 mai 2005 à 2h13

Joint par téléphone depuis Moscou, Bakhadyr Moussaïev est sociologue à Tachkent, où il guette avec angoisse les nouvelles en provenance du reste du pays. Auteur d'un livre critique sur le régime Karimov, que l'ambassade des Etats-Unis avait envisagé, puis refusé de financer, raconte-t-il, il dénonce le «deux poids deux mesures» que l'Occident applique à son pays.

Que sait-on à Tachkent de ce qui s'est passé à Andijan ?

A la télévision, on n'a donné pour information que la conférence de presse du Président. A l'université, les étudiants ont été regroupés pour visionner cette conférence. Dans les villages, des réunions avec les aksakal (les «barbes blanches» ou vieux sages, ndlr) ont été organisées pour donner la version officielle. Les télévisions russes, retransmises par câble, sont coupées au moment des informations. Mais une bonne moitié au moins de la population écoute Radio Liberté et la BBC, qui émettent en russe et en ouzbek, et où on a parlé de plus de 500 morts. Quand je sors promener mon chien, j'entends tout le monde parler de ce qui s'est passé. L'ambiance est très lourde à Tachkent.

Si on sait que l'armée a fait des centaines de morts, comment se fait-il que personne ne proteste ?

Les gens ont peur. Karimov a montré qu'il est déterminé à faire couler le sang. N'importe quelle manifestation sera considérée comme un meeting extrémiste. Nous sommes dans un régime semi-totalitaire. La seule chose qui lui manque pour être totalitaire, ce serait une idéologie, une idée nationale. L'Asie centrale n'a été découpée qu'en 1924. L'Ouzbékistan est une création récente, avec une grande diversité ethnique. L'indépendance ne remonte