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Libération

En Turquie, le difficile retour des «réfugiés de l'intérieur»

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publié le 19 mai 2005 à 2h14

Diyarbakir (Turquie) envoyé spécial

Les murs sont en ruine mais la belle cour intérieure de pierre noire rappelle les splendeurs passées d'une demeure patricienne. Dans deux petites pièces du rez-de-chaussée s'entassent Cemil Duman, sa femme et ses quatre enfants, son frère et sa belle-soeur avec leur progéniture, ainsi que les parents. «Nous sommes enfermés dans la non-vie», soupire le jeune homme, dont le salaire de cuisinier intérimaire reste le seul revenu de toute la famille.

Bijoux. Ils végètent là depuis douze ans, après avoir été chassés de leur village par l'armée. La «sale guerre» entre l'Etat et les rebelles turcs kurdes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, indépendantiste) d'Abdullah Öcalan, qui a fait, entre 1984 et 1999, plus de 36 000 morts, est peu ou prou finie. Mais des centaines de milliers de «réfugiés de l'intérieur» n'ont toujours pas pu rentrer chez eux. Sans travail et ne bénéficiant d'aucune aide publique, ils survivent au jour le jour dans les villes du Sud-Est anatolien, peuplé en majorité de Kurdes, et notamment sa capitale, Diyarbakir, dont la population a triplé.

Année après année, ces déplacés ont vendu pour survivre les quelques biens ­ notamment les bijoux ­ qu'ils avaient pu emporter dans leur exode précipité. Les familles se délitent et la petite délinquance explose. «Avant, nous craignions la violence de l'Etat ; maintenant, c'est celle de la rue qui nous fait de plus en plus peur», s'inquiète Mahmoud Kaya, ex-président de l'ordre des