New York de notre correspondant
Le prisonnier s'appelait Dilawar, un chauffeur de taxi afghan de 22 ans. Soupçonné d'avoir participé à une attaque à la roquette contre une base militaire, il avait été livré aux forces américaines. A l'aube du 9 décembre 2002, vers deux heures du matin, il a été tiré de sa cellule, où il venait de passer quatre jours les poignets enchaînés au plafond. Ses interrogateurs, bien que convaincus de son innocence, ont continué à le torturer. Ses jambes ont été rouées de coups. Il a demandé à boire, mais ne pouvait pas tenir la bouteille. Un garde lui a jeté de l'eau à la figure. Il a finalement été «raccroché» dans sa cellule et encagoulé. Un médecin l'a retrouvé mort quelques heures plus tard.
«Routine». Le rapport d'enquête publié vendredi dans le New York Times est peut-être le récit le plus détaillé jusque-là des sévices infligés par les forces américaines dans le cadre de «la lutte contre le terrorisme». Le quotidien a pu se procurer l'enquête, ouverte en 2003 par une commission criminelle interne à l'armée concernant la mort de Dilawar, et qui est devenue au fil des mois une chronique de 2000 pages concernant les abus répétés perpétrés dans la prison militaire de Bagram. Le document décrit minutieusement la mort d'un autre détenu, Habibullah, mais aussi ce que les enquêteurs appellent eux-mêmes «la routine» des tortures infligées par les militaires, qui, dans la plupart des cas, se contentent de frapper les prisonniers sans même les interroger.