De très petite taille, trapu, le cheveu dru sous sa calotte carrée, Talib Yakoubov a le ton docte du professeur et la force tranquille du lutteur. C'est qu'il en faut pour poursuivre la mission qu'il s'est fixée : protéger les droits de l'homme en Ouzbékistan, pays où la répression est un mode de gouvernement. Le président de la Société des droits de l'homme d'Ouzbékistan est à l'origine de l'information qui a choqué l'opinion mondiale et irrité les autorités de son pays : la répression des manifestations du 13 mai à Andijan a fait, non pas 173 morts comme l'affirment les officiels, mais plus d'un millier, voire 1 500. Saidjakhon Zaïnobidino, le correspondant local de cette ONG, qui a rassemblé sur place les informations, vient d'être arrêté. Talib Yakoubov, qui a entrepris une tournée en Europe, notamment en France, pour alarmer l'opinion, n'a pas été inquiété. Protégé par sa notoriété de vétéran de la dissidence, l'homme, qui a été arrêté la dernière fois en 1996, subit néanmoins un harcèlement : son fils a été interpellé trois fois et relâché, puis agressé à l'automne.
Déclic. L'ancien enseignant en mathématiques a commencé à contester le régime soviétique en 1967 à la fin de son magistère à Moscou. Le déclic s'est produit en lui lorsqu'un de ses professeurs a été interpellé parce qu'il avait défendu un collègue incarcéré au goulag pour avoir publié un article à l'étranger. «En voyant que beaucoup de ceux qui avaient pris sa défense ont été limogés, j'ai compris ce qu'étai