Les gares sont en général un excellent indicateur du niveau de développement d'un pays. Surtout dans les Balkans. Celle de Sofia, la capitale bulgare, n'échappe pas à la règle. Poussiéreuse, déglinguée, avec quelques échafaudages annonçant des travaux jamais entrepris, elle attire une foule de petits métiers, porteurs, vendeurs à la sauvette, tout un peuple qui cherche à échapper à la misère et au chômage. Des files de voyageurs, surtout des femmes d'âge mûr, ploient sous des sacs de toile imperméabilisée. Elles se dirigent vers le quai n° 5 où stationne le plus improbable des trains européens, celui qui, venant d'Istanbul, relie la Bulgarie, futur membre de l'Union européenne en 2007, à la Slovénie, membre depuis 2004, via la Serbie et la Croatie, encore exclues de l'intégration. Les wagons, propriété des chemins de fer de Serbie-Monténégro, n'ont de toute évidence pas vu un coup de peinture depuis l'effondrement de la Yougoslavie en 1991. Seule la présence de têtières d'un blanc douteux différencie la première de la seconde classe.
Déception. Dans le compartiment, Nadejda, la Bulgare, et Milka, la Serbe, ont étalé leurs effets de manière à ne pas avoir trop de compagnie. A 75 ans, Nadejda, institutrice à la retraite de Sofia, fait une fois par semaine le trajet vers Pirot, première ville frontalière du côté serbe, pour vendre au marché ses maigres biens : mouchoirs en papier, lingettes, serviettes hygiéniques, coton, pinces à linge, chaussettes et chemises