Ankara envoyé spécial
C'est un vieil homme tremblotant sous perfusion avec, au cou, un panneau «Europe». Le fauteuil roulant est poussé par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, issu du mouvement islamiste, habillé en cow-boy pour bien souligner le réchauffement entre Ankara et Washington. «Ne t'en fais pas, ça passera», murmure Erdogan, dans ce dessin paru dans le quotidien à grand tirage Sabah. L'ironie console... Jour après jour, la crise de l'UE fait la une des médias turcs qui, toujours plus inquiets sur l'avenir européen du pays, scrutent et dissèquent la moindre phrase des dirigeants des Vingt-Cinq.
Contrecoup. Massivement favorable, même dans les régions les plus reculées, à une intégration européenne, synonyme de bien-être et de libertés, l'opinion est saisie par l'angoisse. «On sent de plus en plus qu'on gêne et qu'il y a deux poids, deux mesures quand on est un pays musulman», soupire Selim qui a pompeusement appelé «Avrupa» (Europe) son échoppe-bazar à Samandag, petit port limitrophe de la Syrie. «Je doute de plus en plus que nous fassions un jour pleinement partie du club et, même si la route vers l'UE est aussi importante que le but final, je crains que l'opinion ne finisse par se lasser», explique, préoccupé, un homme d'affaire d'Istanbul. Après le double non français et néerlandais à la Constitution européenne, les autorités d'Ankara ont d'abord évité toute dramatisation excessive. Tant pour rassurer l'opinion que pour empêcher un contrecoup sur le mar