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Libération
Les massacres de Srebrenica, il y a dix ans (1/3)

Cauchemars d’un survivant

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Mevludin Oric n'en finit pas de revenir à Srebrenica. Le jeune Bosniaque avait 25 ans quand «il aurait dû être mort». Son salut? La dépouille ensanglantée de son cousin Haris, sous laquelle il a passé dix heures, face contre terre.
publié le 4 juillet 2005 à 2h51

C’est toujours la nuit. Juste avant de s’endormir, les images jaillissent, claires et tenaces. Mevludin Oric revoit le visage de son cousin Haris Hasanovic, sent presque encore sa main dans la sienne et se répète leurs derniers mots : «Ils vont nous tuer ?» dit Haris, inquiet. «Non, ils ne vont pas nous tuer», lui répond-il. Puis, tout de suite, une rafale. Haris pousse un cri. Mevludin se laisse tomber au sol, un corps mort le recouvre aussitôt. Visage contre terre, le jeune Bosniaque va passer près de dix heures sous la dépouille ensanglantée de son cousin. Sans se faire repérer.

Dix années ont passé depuis ce funeste après-midi du 14 juillet 1995 mais Mevludin Oric n’en finit pas de «revenir à Srebrenica». Avec pour laissez-passer ses seuls souvenirs et cette peur qui le hante et l’exile encore de sa région natale. Calmement, assis sur un canapé de fortune dans son appartement d’Ilijas, à trente kilomètres au nord de Sarajevo, Mevludin Oric se raconte autour d’un café turc, d’un verre de soda et d’un paquet de cigarettes. Avec un souci du détail et de la chronologie la plus fine, il égrène les faits et les lieux, dissèque les minutes et les phrases. Comme pour ne pas être accusé d’approximations. Il a 35 ans, un corps fin et élancé, des yeux bleus souvent perdus au loin. C’est un homme de peu de mots et d’absences répétées. Il n’oublie pas : «Je devrais être mort.»

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11 juillet 1995, la radio bosno-serbe annonce la «libération» de Srebrenica : les troupes serbes, soutenues pa