Santiago de notre correspondante
Elles sont 119. Hautes silhouettes figées dans une posture, parfois un sourire, elles ont encadré la place de la Constitution, face au palais présidentiel de La Moneda, trois jours durant, jusqu'à samedi. Chacune est une personne couleur sépia. Et porte un oeillet rouge et une inscription : nom, âge, profession, date. La date à laquelle leurs familles les ont vues pour la dernière fois, avant qu'elles ne soient arrêtées par la police politique du général Pinochet. C'était il y a trente ans. Depuis, plus de nouvelles. Leurs corps n'ont jamais été retrouvés. Elles font parti du millier de disparus au Chili sous la dictature militaire (1973-1990).
Désinformation. Leurs familles organisées en Collectif 119 ont commémoré, entre danses, théâtre et concerts, entre joie et larmes, sur une des places les plus fréquentées de Santiago, l'opération Colombo. Cette campagne médiatique de désinformation menée par le gouvernement Pinochet en juillet 1975 visait à détourner le regard des Nations unies des atrocités commises au Chili. Au moment où les familles commençaient à faire trop de bruit, il s'agissait de faire croire que ces 119 opposants politiques détenus au Chili étaient en fait morts au-delà des frontières au cours de règlements de comptes entre partisans de gauche. Fin juillet 1975, les journaux chiliens reproduisent deux listes de noms tirés d'un magazine argentin et d'un journal brésilien, créés pour l'occasion. Des listes de morts, prétendument t