Il est le seul au monde à avoir mis en examen l'ancien dictateur Augusto Pinochet, et ce par deux fois. Le 2 mai, le juge chilien Juan Guzmán Tapia a pris sa retraite à l'âge de 66 ans, après trente-cinq ans de carrière et sept ans d'enquête sur les crimes commis par l'ancien dictateur. De la même manière qu'il a traversé le monde, vivant notamment en France et aux Etats-Unis, ce proche de la droite conservatrice chilienne a traversé l'échiquier politique pour se situer aujourd'hui à gauche. Mais sans appartenance à aucun parti, «afin de toujours conserver ma liberté», dit-il. Fils du célèbre poète et diplomate Juan Guzmán Cruchaga, cet amoureux des belles lettres vient de publier ses mémoires, Au bord du monde, aux éditions Les Arènes.
Le 11 septembre 1973, jour du coup d'Etat au Chili qui renverse Allende et permet à Augusto Pinochet de prendre le pouvoir, vous débouchez une bouteille de champagne. Pourquoi cette célébration ?
Les militaires ont représenté, à ce moment-là, pour nous, la fin d'un chaos général. Je dirais que la grande majorité de la population au Chili était désespérée sous le gouvernement Allende. Cela faisait trois ans qu'on subissait des privations. J'ai donc accueilli le coup d'Etat comme une sorte de libération. D'autant que nous étions sûrs que la démocratie reviendrait au bout de six mois : le Chili était un exemple de démocratie en Amérique latine, et nous faisions confiance aux militaires pour rétablir les institutions. Nous n'imaginions pas entrer dans dix-sept ans de dictature. J'ai commis une erreur de jeunesse. La fête n'a d'ailleurs pas duré. On a très vite appris le suicide de Salvador Allende, et notre champagne a pris un goû