Assises le long du mur, les mains accrochées aux grilles, elles sont rassemblées comme chaque mercredi devant le palais du Peuple, place Addis-Abeba. Elles serrent dans les replis de leurs robes la photo, écornée à force d'être produite, d'un fils ou d'un père enlevé par les services de sécurité et depuis disparu. À la veille d'un référendum destiné à «tourner la page de la violence», les «folles d'Alger» ne désarment pas. Face à ceux qui leur commandent l'oubli, elles continuent de réclamer la «vérité». Rejetant le projet de charte «pour la paix et la réconciliation nationale», soumis aujourd'hui au scrutin, elles ne peuvent faire campagne. «Pas de tracts !», vient d'ordonner un policier. La semaine précédente, un père de disparu, Mouloud Arab, 75 ans, a été arrêté, traduit en justice et poursuivi pour «atteinte à l'intérêt national», pour avoir distribué une brochure appelant à voter non. A Constantine, jeudi, cinq mères ont voulu pénétrer dans un meeting du président Abdelaziz Bouteflika. Elles ont été bastonnées et emmenées au poste.
«Attention». «Avant même le vote, ils commencent à nous menacer. Après, ce sera pire», prédit Hassan de SOS Disparus. L'autre jour, sur son cellulaire, il a découvert un texto: «Ils t'ont pas encore pris ? Attention.» Fatima Nekrouf, qui tient le bureau d'Oran de l'association, a reçu un coup de téléphone anonyme encore plus explicite : «Tu vas disparaître, comme ton père.»
C'est une étrange campagne qui s'achève en Algérie. D