Melilla envoyé spécial
A l'entrée de la piste, le sourire des militaires marocains est ferme : «On ne passe pas», sauf autorisation officielle improbable. La forêt de Mariwari, labyrinthe de pins maritimes, borde, au nord-ouest, la ville de Melilla, une des deux enclaves espagnoles (avec Ceuta) en territoire marocain. En contrebas, la forêt touche ou presque le double grillage qui voudrait faire de Melilla une frontière infranchissable pour les milliers de clandestins noirs-africains qui, chaque année, passent ou tentent de passer en Europe. Les soldats marocains sont en train de déboiser autour de la «grille» et de creuser une tranchée de 3 mètres de profondeur pour mieux empêcher les tentatives de passage en force. Entre fin août et fin septembre, au moins douze clandestins sont morts lors de ces tentatives. Notamment dans la nuit du 5 au 6 octobre, quand la police marocaine a tiré pour, officiellement, résister à un «assaut d'une rare violence [qui] a contraint les forces de sécurité à riposter en situation d'autodéfense. Six assaillants sont morts».
«Zones de non-droit». Les «assaillants» n'avaient, comme armes, que leurs échelles bricolées pour passer le grillage, leurs gants pour éviter les blessures des barbelés, leurs pieds nus ou leurs tennis explosées de fatigue pour courir. «Cette nuit-là, durant une bonne demi-heure, entre 3 h et 3 h 30, les coups de feu, parfois en rafale, n'ont pas cessé», assure un habitant de Farkhana, un village marocain qui jouxte le grillage