Routes défoncées, bâtisses lépreuses, Benin City respire la misère. Seules quelques touches de prospérité témoignent de la vigueur de l'économie informelle : un golf, de belles demeures, «achetées avec l'argent de la prostitution», affirme une habitante. Il y a plusieurs siècles, Benin City fut le coeur prospère d'un royaume esclavagiste, elle est aujourd'hui le repaire des vendeurs de femmes : 90 % des Nigérianes arpentant les trottoirs d'Europe sont originaires de cette région du sud-ouest du Nigeria ; la quasi-totalité des familles de Benin City a au moins un membre prostitué à l'étranger.
Le phénomène date des années 80. A l'époque, le Nigeria s'appauvrit. Quelques filles partent en Italie pour récolter des tomates. La saison achevée, elles commencent à se prostituer et s'aperçoivent que ça rapporte. Certaines reviennent à Benin City, achètent des voitures et des maisons. «D'autres ont voulu les imiter, celles qui étaient rentrées les ont aidées, ce qui avait commencé comme une entraide entre voisines est devenue une organisation criminelle», raconte soeur Florence, coordinatrice du Comité pour la dignité des femmes.
Dette imaginaire. Juliette a neuf frères; l'année dernière, son père a décidé de l'envoyer en Europe «parce que tant de gens ont fait le voyage et font vivre leur famille». Munie de faux papiers, Juliette, une fois à Paris, est conduite dans un appartement où attendent d'autres Nigérianes. Au bout de trois jours, les «Madames», autrement dit l