Jérusalem de notre correspondant
Moral en berne, portant sur ses épaules une croix d'impuissance, Mohammed Alann, maire d'Anata, gravit comme un calvaire les marches menant à la terrasse. Du sommet de l'hôtel de ville, la vue sublime, dont il était si fier, lui donne aujourd'hui des frissons. Perché sur son tertre, le village domine Jérusalem, ses accès orientaux, les collines rocailleuses du désert de Judée. La vieille ville, ses remparts, les Lieux saints, centre historique de la capitale disputée, se dressent à quatre kilomètres de cette ancienne bourgade arabe devenue une banlieue surpeuplée. Situation d'exception qui a de tout temps attiré l'oeil des stratèges.
«L'émir Saladin avait choisi Anata pour cantonner ses troupes lors du siège de la place forte croisée», rappelle l'édile. Son ton déprimé semble reprocher au conquérant légendaire le début des malheurs du village avec la gent militaire. Aujourd'hui, une noria d'engins de terrassement cernent la municipalité. Sous la garde vigilante des soldats d'Israël, excavatrices, pelleteuses, camions-bennes taillent sans relâche dans la roche une sorte de chemin de ronde. Au plus fort de la pente, au plus près des maisons. Des grues suivent, qui juxtaposent d'immenses panneaux de béton gris. Mètre après mètre, une muraille sort de terre, rideau infranchissable fermant l'espace même au regard. L'un des tronçons en cours d'achèvement jouxte le complexe scolaire, l'école primaire mixte, un lycée de filles et le collège des garçons