Raúl Sohr, journaliste spécialiste de l'armée chilienne, analyse les causes du rejet du général Pinochet, et l'impunité dont il bénéficie.
Augusto Pinochet vient de fêter ses 90 ans. Il semble que ses anciens alliés, la droite et l'armée principalement, lui aient tourné le dos...
D'un point de vue politique, Pinochet est un pestiféré. Chacun tente d'effacer son image à ses côtés sur les photos d'archive, car il est le souvenir vivant des violations des droits de l'homme. Certains militaires acceptent mal également que l'ex-dictateur n'assume pas ses responsabilités et qu'il se taise quand ses subalternes sont condamnés. Pire, il traîne une image de voleur, incompatible avec le code de l'honneur de l'armée.
La découverte, en juillet 2004, de ses comptes secrets, mettant au jour une fortune proche de 27 millions de dollars, a-t-elle aussi été dévastatrice pour son image ?
Absolument. Il faut rappeler que, lorsque Pinochet est arrêté et détenu dans sa clinique londonienne en 1998, des collectes sont organisées pour aider le pauvre homme. Les gens de droite qui l'avaient soutenu ont été indignés quand ils ont su qu'il était riche. Cette découverte a aussi eu un effet dévastateur sur les militaires. Pour eux, les violations des droits de l'homme ne sont pas un thème central. Ils peuvent aller jusqu'à reconnaître qu'il y a eu des excès sous la dictature en la matière, mais ils estiment dans le fond qu'ils étaient en guerre. En revanche, la fortune de Pinochet est au coeur des débats.