Istanbul envoyé spécial
Le chef d'inculpation est lourd : «insulte à la nation turque», un délit passible de six mois à trois ans de prison. L'écrivain turc Orhan Pamuk, 53 ans, est poursuivi pour avoir déclaré à un journal suisse : «1 million d'Arméniens et 30 000 Kurdes ont été tués sur ces terres mais personne d'autre que moi n'ose le dire.» Le procès qui devrait s'ouvrir ce vendredi à Istanbul suscite d'autant plus de protestations, dans l'opinion libérale turque comme à Bruxelles, qu'Ankara a entamé, le 4 octobre, les négociations d'adhésion à l'Union européenne. Une délégation de cinq eurodéputés doit assister à la première audience qui pourrait être renvoyée, car la cour d'Istanbul, chargée du dossier, a estimé qu'elle ne pouvait continuer ces poursuites que sur injonction du gouvernement. Les islamistes modérés au pouvoir (AKP) de Recep Tayyip Erdogan, qui ont fait de l'Europe leur priorité stratégique, ne cachent pas leur embarras.
Ire nationaliste. «Je suis un écrivain et il est humiliant de vivre dans un pays où un tel sujet reste un tabou qui ne peut être discuté», confie l'auteur du Livre noir. Ces propos, tenus en février au Tagesanzeiger, avaient, outre la procédure judiciaire, déclenché l'ire des milieux nationalistes qui n'ont pas hésité à menacer «le traître». Pamuk avait alors préféré quitter pour quelques mois son domicile stambouliote. Par excès de zèle, un sous-préfet avait même, alors, ordonné la saisie et la destruction de ses livres, mais la décision f