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Libération

Des Azéris rivés à quai depuis onze ans

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Dans la gare abandonnée d'Imichli vivent quelques-uns des 92 000 déplacés du Haut-Karabakh.
publié le 19 décembre 2005 à 5h01

Imichli (Azerbaïdjan) envoyée spéciale

A première vue, c'est une gare. Une vieille gare délaissée, avec des wagons de marchandise rouillés sur les quais et les voies, sans trafic. Les gens qui surgissent ne sont pas des voyageurs. Enfants chargés de cartables, femmes ployant sous les bacs ou les sacs, hommes désoeuvrés derrière de minuscules étals proposant bonbons ou gâteaux secs ne vont nulle part. C'est là, à Imichli, qu'ils vivent, réfugiés oubliés d'un conflit tout aussi oublié, à une centaine de kilomètres des maisons qu'ils ont dû fuir. Ces quelques dizaines de familles font partie des 92 000 Azéris chassés de chez eux par le conflit du Haut-Karabakh (1988-1994) et qui, onze ans après la fin des hostilités, vivent toujours en centres collectifs, souvent des installations de fortune, et restent extrêmement dépendants de l'Etat et de l'aide humanitaire. Comme un demi-million d'autres déplacés azéris, ils sont les otages d'un cessez-le-feu, signé en 1994 entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, qui n'instaure ni la paix ni la guerre.

Ecrin ouaté. C'est dans ce camp de wagons que les uns ont vu mourir leurs parents, que d'autres se sont mariés et qu'ils ont vu naître leurs enfants, lesquels sont devenus des réfugiés à leur tour, parias sans lien avec la région d'origine de leurs parents ni avec celle de leur naissance. Comme pour conjurer le sort, les jumeaux Heydar et Ilham, 7 ans, ont reçu le prénom des deux derniers présidents de l'Azerbaïdjan, les père et fils Aliev. Abandonné