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Libération

«Le blasphème, une notion très sensible dans le monde musulman»

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Gilles Kepel et Malek Chebel réagissent à l'affaire des caricatures.
publié le 31 janvier 2006 à 20h12

L'une montre un portrait de Mahomet ricanant, une bombe dans son turban. Une autre croque le Prophète sur un nuage à l'entrée du paradis lançant à des auteurs d'attentats-suicides : «Allez-vous-en, on n'a plus de vierges.» Les dix autres dessins publiés par le quotidien danois Jyllands-Posten sont du même tonneau, plus bêtes que méchants. Mais ils ont déchaîné une vague d'indignation dans le monde arabo-musulman qui n'est pas sans rappeler ­ le talent en moins ­ celle suscitée en 1989 par les Versets sataniques de Salman Rushdie. Hier comme aujourd'hui, nombre d'organisations et d'Etats hurlent au blasphème. «La représentation visuelle du Prophète reste un des tabous majeurs dans l'islam. Là, à la violation de cet interdit, s'ajoute le fait de lui mettre une bombe sur la tête, le transformant en archétype du terroriste», explique Malek Chebel, anthropologue et psychanalyste. «Il est compréhensible que des croyants s'estiment choqués par un dessin représentant le fondateur de leur religion comme un terroriste. Car, si certains terroristes sont islamistes, cela ne signifie pas pour autant que tous les musulmans le soient», précise Gilles Kepel, professeur à l'Institut d'études politiques et spécialiste du monde musulman (1).

La liberté d'expression inclut pourtant aussi le droit au blasphème, «le droit de publier même ce qui choque une majorité de la population comme l'a rappelé dans de nombreux arrêts la Cour européenne des droits de l'homme», souligne Robert Ménard. Le présid