Pékin envoyé spécial
«Mes amis et mes collègues sont toujours étonnés de voir que je ne suis pas encore en prison», plaisante Mo Shaoping, qui exerce depuis 1988 le périlleux métier d'avocat. Son cabinet est installé dans un bâtiment traditionnel, à un jet de pierres de la Cité interdite et de la place Tiananmen. En marge de ses activités lucratives de conseil juridique pour les entreprises, Mo a défendu une dizaine de militants démocrates, journalistes et cyberdissidents.
«En filature». Rares sont les avocats qui osent se charger de telles affaires ou, plus généralement, de dossiers les opposant à une instance officielle, qu'il s'agisse de l'Etat, du parti, de la police ou de gouvernements locaux. «Beaucoup d'avocats refusent des dossiers politiquement sensibles car le risque est très grand. Par exemple, quand j'utilise mon téléphone je sais qu'il est peut-être sur écoute. Je suis souvent pris en filature par des fonctionnaires en civil. Voilà quelque temps, des policiers ont tenté de convaincre ma secrétaire de leur transmettre en douce des documents concernant mes clients.» L'important, dit Mo est «de connaître parfaitement la loi afin de ne pas donner à ces gens-là le moindre prétexte pour vous arrêter».
Depuis quelques années, la profession, qui compte 120 000 avocats, connaît une véritable hécatombe : des dizaines d'avocats chinois seraient actuellement en prison. Le chiffre exact est un secret d'Etat, mais des personnes proches de l'Association chinoise des avocats estim