Varsovie de notre correspondante
A 35 ans, Alicja Tysiac porte des lunettes aussi épaisses que des loupes : cette mère de trois enfants est devenue quasiment aveugle après le rejet de son droit à un avortement thérapeutique. Mue par l'espoir d'aider d'autres Polonaises à avorter librement, elle a porté son cas devant la Cour européenne des droits de l'homme. «Non seulement la loi est très restrictive en Pologne, mais, en plus, les médecins ne la respectent pas. On ne cesse de nous dire : accouchez, accouchez, sans se soucier de la santé de la femme», dit-elle à son retour de Strasbourg, où, le 7 février, elle a accusé la Pologne d'avoir violé la législation en vigueur. Interdite en cas de problèmes psychiques ou matériels de la femme, l'interruption volontaire de grossesse est autorisée en situations de viol, d'inceste, de danger pour la santé de la mère ou de malformation irréversible du foetus.
Dilemme. Pour Alicja Tysiac, atteinte d'une forte myopie, la troisième grossesse constituait justement un danger. «Quand une femme est confrontée au dilemme : avoir deux enfants et garder la vue, ou avoir trois enfants et devenir aveugle, le choix, même s'il est très douloureux, s'impose. Les médecins, tout en me disant que je risquais de perdre la vue, ne voulaient pas me l'écrire noir sur blanc.» Après avoir vainement consulté trois ophtalmologues, Alicja a fini par obtenir d'un généraliste un certificat justificatif d'IVG. Pourtant, le gynécologue n'en a pas tenu compte, arguant qu