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Liban

Charnier sous silence

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A Anjar, ancien quartier général des forces syriennes au Liban, la découverte d'un charnier n'a suscité aucune enquête ni réaction des responsables politiques libanais. Les témoins racontent, eux, une ville au cœur du système répressif syrien, où se pratiquaient tortures et exécutions.
publié le 16 février 2006 à 20h21

Trois villes réunies sous un même nom. D'abord, Anjar l'Omeyade, antique cité du VIIIe siècle, dont les ruines sont parmi les plus belles du Liban. Ensuite, Anjar l'Arménienne, une bourgade construite autour du site historique. Enfin, Majdel Anjar, la ville sunnite, regardée comme un fief islamiste, qui s'étend de l'autre côté de la grande route menant à Damas ­ la frontière syrienne est à quelques kilomètres. Au milieu, une butte a été couronnée d'une mosquée et d'un jardin pour enfants. Elle domine la plaine cernée de montagnes émaillées par l'hiver. Avant d'y arriver, une petite voie crevassée se glisse vers un hameau de gros bâtiments sinistres : «l'usine d'oignons». Jusqu'au 29 avril 2005, c'était là le quartier général des services de sécurité du corps expéditionnaire syrien au Liban. Les chefs syriens, ceux que la presse libanaise appelle les «proconsuls», Ghazi Kanaan (qui s'est «suicidé» en novembre 2005 à Damas) et son successeur Rostom Ghazalé (suspecté par la commission d'enquête de l'ONU d'être impliqué dans l'assassinat de Rafic Hariri) habitaient tout près, une somptueuse villa, à côté des ruines. Ils y convoquaient les hommes politiques libanais. On sait aujourd'hui par le rapport de la commission que Hariri y fut menacé par Ghazalé en personne.

Les troupes syriennes parties, Anjar s'est remise à sommeiller. Elle s'est à peine réveillée, le 3 décembre 2005, lorsqu'un charnier a été brusquement mis à jour par l'armée libanaise sur la butte, près de l