Melilla envoyé spécial
C'est une montagne de bouts de bois amoncelés comme s'il s'agissait d'un bûcher. En se rapprochant, on distingue des dizaines d'échelles de fortune. «Un vrai condensé de désespérance», commente un garde civil espagnol posté dans la guérite. Coincés entre un palmier, un ficus géant et le double grillage métallique qui sert de frontière avec le Maroc, ces branchages rappellent que ce lieu fut, récemment, le théâtre d'une tragédie.
Entre août et octobre 2005, des milliers d'immigrés africains avaient tenté de rejoindre le supposé eldorado européen à l'aide de ces échelles artisanales. Dans leur tentative de fouler le sol de Melilla, une des deux enclaves espagnoles en terre africaine (avec Ceuta, plus à l'ouest), une quinzaine avaient péri, certains par balles policières, d'autres écrasés contre les fils barbelés. Un bon millier avaient pu passer, avant d'être hébergés au centre d'accueil des immigrants, le Ceti. Ce qui, en l'absence d'accord de rapatriement entre l'Espagne et le pays d'origine, équivaut à un passeport pour rester dans l'Union européenne.
Tranchée. Cinq mois après ces avalanches humaines d'une ampleur sans précédent la nuit du 3 octobre, ils étaient jusqu'à 700 à forcer le passage , on parle ici d'un «retour à la norme» à la frontière, une grille barbelée qui serpente sur 10 km autour de la petite ville de Melilla 65 000 habitants. Une «normalité», selon les critères locaux, s'entend. «En moyenne, une vingtaine d'Africains tentent d'esc