Tokyo de notre correspondant
«Dehors, les étrangers !» Engoncé dans un uniforme étriqué, bouffi d'autosuffisance, le papy rondelet à la moustache hitlérienne assis à l'avant du véhicule, qui hurle ces propos racistes dans le haut-parleur, a donné instruction au conducteur d'extraire le camion aux vitres grillagées du bouchon qui paralyse l'avenue Meiji. Tandis que d'autres slogans haineux, mêlés à des chants patriotiques, sont beuglés sans fin au micro, le camion sort soudain de la file. Ignorant les véhicules en sens inverse, il remonte l'avenue à contresens sur près de cinquante mètres. Une pagaille inimaginable s'ensuit alors à un carrefour du quartier de Shibuya. Le camion précède six autres véhicules, ornés de chrysanthèmes et de symboles impériaux, qui brûlent sans hésiter le feu rouge.
Propagande citadine. Ainsi roulent au Japon les redoutés et très influents uyoku, patriotes d'extrême droite aux porte-voix et décibels assourdissants, estimés à 110 000 membres pour près de 1 millier de groupuscules, chapeautés, selon la police nippone (NPA), par 25 organisations d'extrême droite, voire mafieuses. Une de leurs particularités, outre la maîtrise évidente des sound systems, est de honnir les règles de la circulation. En cas d'incident, les uyoku étant pour beaucoup affiliés aux yakusas (la mafia japonaise), la consigne impose de ne jamais les provoquer. Surtout pas du regard. Les automobilistes qui pilent devant eux pour éviter l'accident ont ainsi appris à ne pas klaxonner