Envoyé spécial à Garachico, île de Ténérife (Canaries)
D'un pas décidé, traînant derrière lui quelques valises, un émigrant s'en va en direction de l'océan Atlantique. Il a la poitrine percée d'un grand trou pour bien montrer qu'il laisse, en partant, son coeur dans l'île. Dressée à l'entrée du petit port de Garachico, la statue témoigne de l'importance de l'émigration aux Canaries, surtout dans les années 50, avant que ne déferlent les vagues dorées du tourisme. Au centre du bourg, près de l'église, une autre statue, celle du grand «libérateur» Simon Bolivar, témoigne de la proximité malgré les milliers de kilomètres qui les séparent entre l'archipel et le continent sud-américain (Venezuela, Colombie et Argentine, notamment), qui accueillit une large partie des émigrants canariens. Garachico, village isolé, coquet, heureusement épargné par le tourisme de masse, a ainsi vu partir beaucoup de ses fils. Aujourd'hui, l'histoire se renverse puisqu'il a été choisi pour recevoir 32 des 362 clandestins mineurs, fraîchement arrivés du Sénégal et du Mali au terme d'une traversée de tous les dangers. Une arrivée qui s'est traduite, il y a quelques jours, par un coup de colère d'une partie de la population, opposée à leur installation dans la commune, dût-elle ne durer que quelques mois. Faisant une haie au passage de l'autocar, quelques douzaines de personnes ont accueilli les jeunes Africains, majoritairement âgés de 13 à 14 ans, sous des cris et des injures xénophobes.
Hostilité.