Dakar de notre correspondante
Les pieds dans le sable de la plage de Hann-mer, un quartier populaire de Dakar, Moustapha Wellé, 25 ans, regarde vers le large. Début mai, ce diplômé du supérieur, un BTS de maintenance industrielle obtenu avec «mention bien», s'est embarqué dans une pirogue en direction des Canaries. Il faisait partie des quelque 9 000 clandestins africains arrivés dans l'archipel espagnol depuis janvier. Retour à la case départ : comme 98 autres Sénégalais, il a été rapatrié mercredi dernier.
Après vingt jours passés aux Canaries, Moustapha et ses compagnons ont embarqué dans un avion, «direction Malaga ou Madrid», leur dit-on. «Des policiers espagnols nous ont menottés. Il était interdit d'ouvrir les volets des hublots mais, quand on a atterri, j'ai vu des herbes et du sable noir. J'ai alors dit à mes copains : "Boys, ça, c'est le Sénégal." Ils m'ont répondu : "Tu rigoles, on est à Madrid !" Puis, les portes se sont ouvertes et des Sénégalais ont dit : "Salam aleïkoum, vous êtes les bienvenus... au Sénégal." On a piqué une crise, on a ressenti un mélange de honte et de trahison.»
Vols suspendus. Depuis, pour protester contre ces conditions de rapatriement, le Sénégal a suspendu les vols en provenance d'Espagne (lire ci-contre). Ces derniers jours, plusieurs ministres ont rencontré Moustapha et ses camarades pour leur proposer des perspectives d'emploi, dont le plan «Reva» («Retour vers l'agriculture»). Moustapha n'en a cure. Il ne sait pas cultiver. «Pourquoi a