Luding (province du Sichuan) envoyé spécial
Une «épopée», un «miracle». Le musée de Luding n'a pas de mots assez retentissants pour évoquer la Longue Marche, ses 6 000 kilomètres parcourus en 371 jours, et son épisode le plus glorieux, la traversée du pont enjambant la rivière Dadu par l'armée en déroute de Mao Zedong, pendant l'hiver 1935. L'exploit, à propos duquel deux nouveaux ouvrages viennent jeter le doute, a été célébré maintes fois par la propagande du parti.
Commando-suicide. Sous le feu des mitrailleuses d'un régiment de l'armée nationaliste posté à l'extrémité du pont de Luding, vingt-deux soldats de l'armée rouge auraient progressé en rampant, accrochés aux chaînes du pont, dont la moitié des planches avaient été ôtées par l'ennemi. Suspendus à mains nues aux anneaux de fer au-dessus du torrent, les membres du commando-suicide, armés de grenades et de pistolets, seraient ainsi parvenus à s'emparer du poste de tir sur l'autre rive. L'armée de Mao, acculée par les poursuivants ennemis, a alors pu poursuivre sa remontée vers la «base rouge» de Yanan pour finalement conquérir la Chine en 1949. D'innombrables films de propagande ont éclusé cette version des faits ; le musée de Luding en présente d'ailleurs les plus brillants spécimens.
Madame Lu, une habitante de Luding âgée de 17 ans à l'époque, ne se souvient vraiment que d'une chose. L'armée rouge, qui était restée six jours dans le village avant de traverser, avait réquisitionné toutes les portes des maisons afin de