Barcelone envoyé spécial
En 1996, lorsqu'elle émigre en Espagne, à Barcelone, Patricia s'attendait aux déboires habituels des sans-papiers, la précarité, les boulots ingrats et mal payés (des ménages, dans son cas), les angoisses avant l'hypothétique régularisation. Elle ne les a pas évités. Mais ce que cette Equatorienne de 42 ans n'imaginait pas, c'est qu'elle entrerait en conflit linguistique avec ses propres enfants. «Ma fille cadette parle catalan et c'est très bien. Mais, obéissant à sa maîtresse, elle refuse de m'adresser la parole en espagnol, sa langue maternelle !» Cecilia, 7 ans, est scolarisée dans un collège public du Raval, un quartier populaire de Barcelone où les élèves sont, dans une écrasante majorité, des fils d'immigrés marocains, sud-américains, roumains. «Tout se passe exclusivement en catalan, se plaint Patricia. Les profs s'adressent aux parents d'élèves dans cette langue et, lorsqu'on pose une question en castillan, on nous envoie paître !»
Malaise. Le cas de Patricia, loin d'être isolé, est symptomatique d'un malaise linguistique en Catalogne. Dans la rue, au travail, en famille, rien de tel : le bilinguisme est vécu au quotidien le plus naturellement du monde (1). Le contentieux est politique. Dans cette région travaillée depuis des siècles par un fort sentiment nationaliste, catalan et castillan sont tous deux idiomes officiels. Dans la pratique, le catalan est déclaré «prioritaire», employé en exclusivité dans l'administration, l'enseignement ou le