Bukavu envoyée spéciale
Depuis le 18 mai, plus personne ne dort à Mushenyi. Cette nuit-là, des hommes armés ont fait irruption dans ce petit village du Sud-Kivu, en république démocratique du Congo (RDC). «Ils ont d'abord questionné les mamans pour savoir s'il y avait des militaires, raconte l'institutrice. Or ici, il n'y en a pas, ils sont partis au brassage (1) ou ont été démobilisés.» Sachant cela, les agresseurs n'ont pas fait dans la dentelle : pillage des maisons, meurtre d'une vieille dame. Ils sont revenus, le lendemain, pour continuer à piller. Du coup, les villageois se sont organisés. Chaque nuit, des hommes se postent en haut des collines à tour de rôle. «Quand on voit des torches, on sonne l'alerte en tapant sur des bidons», dit l'un d'eux.
Les habitants savent à quel point leur défense est dérisoire. «Il faudrait que nos militaires viennent nous protéger», disent-ils, désabusés. Mais la RDC n'est pas encore dotée d'une armée réunifiée, alors même que le pays s'apprête à organiser ses premières élections libres depuis l'indépendance, le 30 juillet. Les Forces armées zaïroises, supposées invincibles, ont été mises en déroute en même temps que le dictateur Mobutu, en 1996. Le nouveau régime de Laurent-Désiré Kabila n'eut guère le temps de forger une armée, ayant dû faire face à une guerre interrégionale (1998-2002). Durant cette période, le pays était morcelé entre factions rivales, soutenues militairement par des pays étrangers. En 2002,