«Méfie-toi, me dit mon père, ils sont toujours les mêmes, voleurs et méchants». Il n'est pas le premier à avoir cette opinion tranchée sur les gens de la Barbagia, le coeur montagneux de la Sardaigne. Homme de la plaine, mon père aura 100 ans dans trois mois et ça ne le gêne pas du tout de penser comme les anciens Romains qui ont donné à la contrée ce nom de «Barbaria» et aux bergers nomades qui y habitaient, celui de «Barbares», devenus avec le temps «Barbaricini». Traiter l'autre de barbare, ce sont les Grecs qui ont commencé, une manière pour eux de prendre pour un idiot l'étranger qui ne parlait pas leur idiome. Sur la langue, les Romains étaient plus laxistes. Mais ils étaient intraitables sur l'ordre public, poussant sans ménagement vers la montagne les populations insoumises. D'où les Berbères de Kabylie ou les Barbares de Barbagia... Et cela a continué. Au VIIIe siècle, le pape Grégoire VIII s'en prend violemment à ces Barbaricini qui sont revenus à l'idolâtrie de leurs ancêtres et dont les femmes plus sauvages que les hommes vont seins nus, été comme hiver, au défi de l'Eglise, de la décence et du climat. Cet affrontement entre sédentaires et nomades est aussi ancien que la civilisation. Mais dans la Bible, Caïn, l'assassin, cultive la terre et Abel (que Dieu aime tant) est berger. Ici, les rôles sont inversés Ñ et les «méchants» fiers de l'être. Maurice Le Lannou (1906-1992) le montre bien dans Pâtres et paysans de Sardaigne, thèse pu
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Les traditions barbares
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publié le 29 juillet 2006 à 22h07
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