La pente est raide, et l'homme à la peau mate, petit et trapu, pousse comme un forcené sa remorque montée sur un vélo et remplie de marchandises. Mario Alave est conducteur de tricycle. Ce Péruvien de 56 ans, aux cheveux grisonnants et aux traits ravinés de vieillard, est venu d'un village proche de Visviri, pour transporter les courses des autres sur son vélo triporteur, à une rapidité incroyable étant donné les 4 000 mètres d'altitude. Ce n'est pas le travail qui manque, en ce jour de marché, et à chaque coup de pédale Mario change de pays.
La foire «tripartite» de Visviri semble installée au beau milieu de nulle part, dans ce paysage immense de l'Altiplano, où l'horizon à l'herbe rase et à la terre aride se découpe sur de lointains volcans enneigés. Pourtant, elle se trouve très précisément à cheval sur le Chili, la Bolivie et le Pérou. Née il y a plus de cinquante ans, cette foire est vite devenue indispensable pour les habitants des villages isolés alentour. Ils y trouvent ce qu'ils devraient, sinon, aller chercher très loin, au prix d'un coûteux ticket de bus. Au Chili par exemple, la ville la plus proche de Visviri, le port d'Arica, est à 265 km de distance.
Deux places séparées par un vide
Tous les dimanches, ce sont donc plus de 500 commerçants qui affluent de toute la région, parfois depuis La Paz, avec leurs trois monnaies les pesos bolivien et chilien ainsi que le sol péruvien en poche. Quand ils sont sans le sou, c'est le troc qui prend le relais. Tous, commerçants et clients, ont en commun d