Tyr envoyé spécial
Ils reviennent. Par dizaine de milliers, roulant pied au plancher dès qu'un tronçon de route se dégage. Entassés dans une voiture ou noyés dans leurs bardas à l'arrière d'un pick-up, des ribambelles d'enfants sur leurs genoux. Vestiges d'une brève vie de réfugiés, des piles de matelas en mousse s'amoncellent sur les toits de leurs véhicules. Des sacs et des cartons débordent des fenêtres. Depuis la cessation des hostilités, lundi, une marée humaine file vers le sud avec autant d'empressement qu'elle l'avait quitté, quelques semaines plus tôt sous les bombes.
Mais, très vite après Beyrouth, les premiers bouchons commencent. Le long de l'autoroute qui mène à Saïda, chaque ouvrage d'art, pulvérisé par l'aviation israélienne, chaque pont, chaque échangeur taillé en morceau, forme un immense goulot d'étranglement. Des dizaines de kilomètres d'embouteillage, pare-chocs contre pare-chocs, comme dans un retour de vacances. Sous un soleil de plomb, des femmes s'éventent sous leur voile de nylon. Les hommes vident des bouteilles d'eau sur leur moteur fumant. L'arrivée d'un secrétaire d'Etat britannique, Hilary Benn, et de sa suite, venus constater l'étendue des dégâts, ajoute au désordre général.
Drapeau jaune.«Djebel ! Djebel !» (par la montagne), crie un homme qui s'est improvisé en agent de la circulation. Une partie de l'immense convoi gravit les contreforts du Chouf, sanctuaire des druzes, épargné par les bombes. «Ici, ça dépend de Joumblatt [leader