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Supermarché interlope

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Alcools et carburants, blondes américaines et filles de l'Est : ici, tout s'achète, ou presque. La Jonquera, en Espagne, attire chaque jour des milliers de Français qui alimentent des trafics plus ou moins licites.
publié le 16 août 2006 à 22h57

C'est ce qu'on appelle une rente de situation. Un emplacement en or, au pied des Pyrénées, dans une de ces failles que compte l'espace Schengen. A moins de 40 kilomètres de Perpignan, côté espagnol, La Jonquera, bourgade-supermarché de 3 200 habitants, a fait fortune en quelques années grâce au marché commun européen. Sur fond de trafic routier démesuré, de différentiels de taxes, et de stratégies à prix cassés de quelques entrepreneurs locaux visionnaires. «C'est sans doute l'endroit en Europe qui compte le plus de commerces par habitant. Une ville comme celle-ci n'existe nulle part ailleurs», explique Jordi Cabezas, le maire CIU (nationaliste catalan), qui résume le paradoxe de l'endroit : «La frontière n'existe plus, mais elle existe encore.» Dans les esprits, mais surtout dans les prix. Alcool et carburants, blondes américaines et filles de l'Est : ici, tout s'achète, ou presque. En grande quantité, et pour pas cher. Pour le reste, définitivement, rien à voir. «Tout a été pensé en fonction du commerce, déplore Eduardo Vivas, curé de La Jonquera depuis quarante-six ans. Des magasins, des parkings, la productivité, et c'est tout. On n'a même pas pensé à planter des arbres pour donner de l'ombre, l'été...»

«La vie est gouvernée par le commerce»

Bienvenue à La Jonquera, ses allures de pueblo mexicain, ses effluves de gasoil, son urbanisme cauchemardesque, tout en longueur. Sur trois kilomètres se côtoient l'autoroute, un parking de 4 000 poids lourds, la nationale, les