Directeur au CNRS, Olivier Roy, spécialiste de l'Asie centrale et de l'Iran, a notamment publié l'Islam mondialisé (Seuil). Il explique à Libération comment l'Iran s'affirme au Moyen-Orient comme une grande puissance régionale à potentialité nucléaire. Et comment Téhéran met en avant des conflits secondaires (Israël-Palestine, Israël-Hezbollah) pour éviter tout choc frontal.
Pourquoi l'Iran refuse-t-il de suspendre son programme nucléaire ?
Sur ce plan, la politique iranienne est une constante : Téhéran veut pouvoir continuer l'enrichissement de l'uranium, officiellement pour un programme civil, mais en même temps sans s'interdire l'option militaire. C'est aussi pour cela que l'Iran fait en sorte de conquérir la position la plus forte possible sur l'échiquier régional, d'où son rôle dans la dernière crise au Liban. Etrangement, les Occidentaux n'ont rien vu venir : depuis le début, ils gèrent la question du nucléaire iranien de façon étroitement bilatérale en proposant à Téhéran un package, un programme graduel d'incitations et de pressions, pour l'inciter à céder. En revanche, la stratégie iranienne surtout depuis l'arrivée au pouvoir d'Ahmadinejad est de régionaliser ce bras de fer afin d'obliger les Occidentaux à un choix drastique : ou une crise générale, ou laisser l'Iran poursuivre l'enrichissement.
Les Iraniens ont le sentiment que cette stratégie s'est révélée payante. Au Liban, ils sont sortis renforcés d'un conflit auquel ils n'ont pas participé directement. Certes, ils financent, arment et entraînent