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Grigny, sans droit de cité

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Séparée du reste de la ville par l'A6, tournée vers son intérieur, la Grande Borne est un espace qui enferme et rassure à la fois. Aujourd'hui des associations essaient de lancer des ponts vers le monde extérieur.
publié le 25 août 2006 à 23h02

Combien de juillettistes et d'aoûtiens sont passés à côté sans jamais la voir ? A une trentaine de kilomètres au sud de Paris, la Grande Borne s'étend le long de l'A6, à la hauteur de Grigny (Essonne). Cité invisible, cachée par un mur antibruit. Derrière, il y a 3 600 logements sociaux, 11 000 habitants de 52 nationalités, 660 locataires sous la menace d'une expulsion et un taux de RMistes qui a augmenté de 14 % entre 2004 et 2005. L'autoroute est l'une des frontières visibles de «la ville dans la ville» comme disent les habitants de Grigny à propos de la Grande Borne.

De l'autre côté de l'A6, il y a le vieux Grigny avec ses pavillons en meulière ; quelques friches d'herbes folles ; un commissariat tout gris et Grigny 2, l'autre grande cité de la ville, 5 000 logements en copropriété qui descendent en pente vers de gros étangs bordés par la voie ferrée du RER D.

Quand l'Etat décide de construire la Grande Borne au début des années 60, Grigny est encore un bourg de 3 000 habitants. Les pouvoirs publics vont ériger sur des terres agricoles un grand ensemble pour reloger les populations modestes chassées de Paris en pleine rénovation. La conception de la cité est confiée à l'architecte Emile Aillaud qui veut rompre avec la monotone rectitude des barres HLM. Il dessine une cité sinueuse, labyrinthique, où les rues sans voitures serpentent entre des immeubles de deux à quatre étages et où les espaces verts paraissent aussi vastes que des pâtures. Les murs sont ornés de fr