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Libération

Soupçons sur les rescapés de l'impossible au Mexique

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publié le 28 août 2006 à 23h04

Mexico de notre correspondante

Trois hommes dans un bateau. On est loin du succès littéraire de Jerome K. Jerome qui, en 1889, à la faveur d'un voyage sur la Tamise de George, Harris, Jérôme et le chien Montmorency, dépeignait de façon irrésistible les travers de la société victorienne (1). Les héros, ici, s'appellent Lucio, Jesus et Salvador, trois modestes pêcheurs mexicains partis, un beau jour d'octobre 2005, du petit port de San Blas, sur la côte pacifique du Mexique, taquiner le requin-marteau. L'embarcation était fragile, sans instruments de navigation. La «campagne» de pêche ne devait durer que deux ou trois jours. Aussi les marins n'avaient-ils emporté que peu de vivres et une maigre réserve d'eau potable. Une tempête les a entraînés loin des côtes. Le carburant vint à manquer. Deux cent quatre-vingt-trois jours plus tard, un thonier taïwanais les a repérés... près des îles Marshall, à 8 000 km de leur port d'attache.

Par-dessus bord. Pendant neuf mois et neuf jours, ils ont été ballottés par l'océan, lisant la Bible, se nourrissant de poissons crus qu'ils parvenaient à pêcher malgré la perte de leur filet, attrapant des mouettes ou des canards qui avaient le malheur de se poser sur la proue du bateau, buvant leur sang, récoltant l'eau de pluie, se protégeant du soleil avec des lambeaux de couverture... Deux de leurs compagnons, dont le patron pêcheur, «señor Juan», n'ont pas résisté, explique le trio. Ils seraient morts au bout de deux mois. Lucio, Jesus et Salvador