Philippe Roger, directeur d'études à l'EHESS et professeur à l'université de Virginie, était à New York le 11 septembre 2001. Il est l'auteur de l'Ennemi américain : généalogie de l'antiaméricanisme français (Seuil, 2002).
Que reste-t-il du 11 Septembre chez les Américains ?
Cinq ans ont passé, «un lustre», ce qui est très long, pour les Américains. Depuis un an ou deux, le 11 Septembre s'estompe dans les débats. Les gens sont las ; l'exploitation à laquelle les attentats ont donné lieu comme l'Irak, un projet qui était déjà dans les cartons les plonge dans un doute profond. Il reste un malaise présent et impalpable, celui qu'a laissé un drame qui a été exploité, et qui a fait apparaître de nombreux dysfonctionnements. On est en présence d'une crise du doute. On doute de la guerre, des institutions...
La peur est-elle au coeur du débat public ?
Non. La peur d'un nouvel attentat est assez relative, malgré les risques réels. Certes, l'administration Bush évoque périodiquement des menaces, histoire de remobiliser l'opinion et de justifier certaines mesures, comme la poursuite de la détention de prisonniers à Guantanamo, des restrictions à certains échanges, comme la délivrance de visas d'étudiants, etc. Mais on ne peut vraiment pas dire que les gens ne pensent qu'à cela. A New York, à Pâques, il y a eu une alerte dans le métro : il s'est vidé pendant trois heures, puis tout le monde est revenu... Autant la guerre en Irak est un débat omniprésent, autant la peur ne devrait pas être un facteur déterminant lors des élections prochaines.
Les Américains s'intéressent-ils un peu plus à ce qui se passe dans le reste de la planète ?
Difficile à dire. Les débats