L'affaire suscite une réelle incrédulité car elle se déroule dans un pays considéré comme le plus libre du monde arabe et que deux journalistes y encourent cinq ans de prison ferme. C'est en effet la peine réclamée, le 8 janvier, par le parquet marocain contre Driss Ksikes et Sanaa El Aji, le directeur et une journaliste de Nichane, un hebdomadaire indépendant, version arabophone de Tel quel, un hebdomadaire particulièrement créatif et irrévérencieux du royaume. Tout commence le 9 décembre avec une une titrée «Comment les Marocains rient de la religion, du sexe et de la politique». Quelques noukat (blagues populaires) parmi les plus courantes, mais pas les plus corsées, illustrent ce dossier. Si elles mettent en scène Mahomet, Hassan II et des islamistes à la recherche d'une sexualité d'enfer, celles qui circulent dans la rue sont bien pires. D'ailleurs, rien ne se passe. Jusqu'à la veille du jour où le numéro doit être retiré des kiosques.
«Offensé.» Ce 15 décembre, un site Internet islamiste affirme vouloir déposer plainte contre Nichane qui a «gravement offensé Dieu et son prophète». Des voix s'élèvent dans les groupes religieux marocains, et parfois étrangers, officiels ou clandestins, pour appeler à «laver l'affront fait aux musulmans» en prenant les «mesures les plus extrêmes» à l'encontre de l'hebdomadaire.
Un syndicat étudiant de l'université de Kénitra, contrôlé par les islamistes, distribue des tracts appelant à «p