Le Caire de notre correspondante
Sur un sol sale, carrelé de blanc, un homme rugit de souffrance. «Pacha (1), pacha, je suis désolé», pleure-t-il à l'adresse d'un interlocuteur invisible. La caméra celle d'un téléphone portable s'approche de son visage décomposé par la douleur, puis s'écarte un peu. L'homme se tord, il a les mains liées, le pantalon baissé, ses jambes sont maintenues relevées. On entend des voix se moquer de lui, puis de nouveau ses cris alors qu'un bâton est enfoncé dans son anus.
Systématique. L'homme, on le sait désormais, s'appelle Emad al-Kabir. En janvier 2006, ce chauffeur de minibus âgé de 21 ans avait été arrêté, puis relâché sans charges, après s'être interposé lors d'une rixe entre des policiers et un membre de sa famille. Mais lors de cette arrestation Emad al-Kabir aurait été torturé dans les locaux d'un commissariat du Caire par des officiers de police, comme le montre cette vidéo qui circule depuis quelques semaines sur les blogs égyptiens. Un cas de torture «classique», à en croire les innombrables rapports publiés sur le sujet depuis plusieurs années par les associations de défense des droits de l'homme, égyptiennes et internationales. En 2004, Human Rights Watch avait noté que la torture en Egypte, jadis essentiellement pratiquée sur les islamistes soupçonnés d'appartenance aux organisations terroristes, était désormais quasi systématiquement utilisée contre de simples citoyens suspectés de crimes ou de délits, ou en tant qu