Marie-Rose Moro est pédopsychiatre et consultante pour MSF. Elle s'est notamment occupée de la prise en charge psychologique d'enfants soldats démobilisés en Sierra Leone.
En dehors de la contrainte, un enfant s'enrôle-t-il pour échapper à une situation familiale ou sociale désespérante?
C'est une possibilité, inhumaine, mais c'en est une. On peut devenir enfant soldat pour différentes raisons, y compris pour résoudre un problème. Certains enfants se laissent prendre par cette logique, parce qu'ils y voient la possibilité d'échapper aux violences qui se déroulent chez eux. S'enrôler, c'est appartenir à un groupe. Pour des enfants désespérés, c'est une façon de trouver une structure d'accueil.
Partir à la guerre, est-ce accéder à une forme de prestige?
Qu'on soit gardien de troupeau ou de voitures, si les choses se passent normalement, on ne devient pas enfant soldat. Tout le monde sait qu'on sort transformé de cette expérience. Au Sierra Leone, les enfants soldats que nous avons suivis étaient cassés. Il y a certes, dans le choix de certains adolescents, un malentendu sur le pouvoir, sur l'attrait des armes. Il faut néanmoins qu'il y ait de graves contraintes pour qu'ils passent le pas. Mais que les adultes jouent du prestige de l'uniforme, c'est certain.
Quels sont les ressorts de l'enrôlement?
Quand vous avez perdu votre famille et qu'on vous dit que l'ennemi est le parti ou le clan d'en face, on joue sur les sentiments, l'honneur, la vengeance. Pour les plus faibles, ceux qui o