Keradagada (Orissa, Inde) envoyé spécial
Pour avoir défié les pratiques millénaires qui régissent le système des castes, les intouchables de Keradagada, hameau de l'est de l'Inde, vivent depuis cinq mois un véritable cauchemar. «Nous n'avons plus de travail, plus personne ne nous parle, même nos enfants n'ont plus le droit de jouer au cricket», se lamente Kailash Chandra Mallick, 40 ans, devant sa petite maison en terre. Motif : certains membres de la communauté, qui constitue le plus bas échelon du système social hindou, ont osé pénétrer dans le temple du village. Or, bien qu'ils soient hindous, les «dalits» ou «intouchables» n'ont pas ce droit, les hautes castes estimant que leur simple présence «pollue» les lieux sacrés.
Depuis la construction du temple, il y a plus de trois siècles, les dalits de Keradagada devaient donc se contenter de quelques trous placés dans le mur d'enceinte pour entrevoir, de loin, la statue du dieu Jagannath, le plus vénéré de la région. Impossible, par contre, de faire des offrandes ou de prier à l'intérieur du sanctuaire. Une «tradition» totalement illégale puisque la discrimination de castes a officiellement été abolie par la Constitution, en 1950. Dans les faits, ceux que Gandhi appelaient les «enfants de Dieu» continuent cependant d'être victimes de tous les abus, surtout dans les campagnes. A Keradagada, village de toits de chaume perdu dans les rizières, l'intouchabilité sticto sensu est encore d