Il ne faut pas compter sur Luis Moreno-Ocampo pour endosser le costume du VRP tonitruant de la Cour pénale internationale. Ce quinquagénaire affable à l'élégance latine est aussi méconnu que son tribunal aux 77 nationalités. «La Cour pénale internationale ?» Le chauffeur de taxi est resté au point mort. Il faut lui fournir l'adresse du bâtiment, à la sortie de La Haye, qui évoque plus le siège d'une compagnie d'assurances que celui du premier tribunal permanent, chargé depuis 2002 de juger le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Un hebdomadaire a campé cet Argentin en «shérif du monde». Luis Moreno-Ocampo s'en amuse, puis s'en excuse ?: «Non, s'il vous plaît, je suis seulement un procureur.» Un drôle de procureur. Capable de doucher l'enthousiasme des optimistes?: «La CPI n'est pas LA supercour mondiale, dit-il, mais la cour qui prend le relais quand les tribunaux nationaux ne peuvent pas juger. C'est ça, l'universalité que je défends.»
Le 16 juin 2003, il a prêté serment comme procureur de la Cour pénale internationale. Indépendante des Nations unies, la CPI avait ouvert ses portes un an plus tôt. Elu pour neuf ans par les Etats membres qui ont signé le traité fondateur de Rome en 1998, Moreno-Ocampo a été choisi comme le meilleur des candidats consensuels. Comme le plus apte à lancer les enquêtes de la Cour tout en évitant les tirs de barrage des grandes puissances – Chine, Etats-Unis, Russie – hostiles à toute