Son maître livre, la Destruction des juifs d'Europe, reste l'ouvrage fondateur, indépassé et sans cesse retravaillé depuis un demi-siècle sur l'extermination planifiée de 6 millions de juifs par les nazis. Raul Hilberg vient de s'éteindre hier à l'âge de 81 ans dans sa maison de Burlington dans le Vermont. «Il a fait l'historiographie de l'Holocauste, il a sacrifié sa vie et nous a fait le cadeau de cette oeuvre», rappelait l'historienne Annette Wievorka au moment de la sortie à l'automne dernier de l'édition définitive en français, quelque 2 400 pages en trois volumes chez Gallimard. Désormais unanimement reconnu, salué comme l'historien incontournable de l'Holocauste - un terme qu'il préfère, «malgré sa connotation religieuse», à celui de génocide trop strictement juridique ou de Shoah - Raul Hilberg a longtemps travaillé en solitaire, dans l'indifférence générale, sur ce qui était encore considéré dans les années de l'après-guerre comme un aspect particulier de l'immense carnage entraîné par la barbarie nazie.
«J'avais décidé de m'intéresser aux exécuteurs allemands. La destruction des Juifs était une réalité allemande. Elle avait été mise en oeuvre dans des bureaux allemands, dans une culture allemande, et je voulais comprendre comment», expliquait-il dans Libération à Annette Levy-Willard lors de la publication de son autobiographie, la Politique de la mémoire, en 1996. Pour ce tranquille chercheur qui se présentait lui-même avec